La vérité sur les  » chewing-gums » : ils étaient à l’origine fabriqués à partir de sève d’arbre

La vérité sur les  » chewing-gums » : ils étaient à l’origine fabriqués à partir de sève d’arbre

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Rédigé par Émilie

3 octobre 2025

Le geste est anodin, presque machinal. Pourtant, derrière chaque tablette de chewing-gum se cache une histoire méconnue, une métamorphose industrielle qui a transformé une simple sève d’arbre en un produit de consommation de masse à l’impact environnemental non négligeable. Loin des saveurs synthétiques et des emballages colorés, les origines de la gomme à mâcher sont profondément ancrées dans la nature, une réalité que l’industrie moderne a largement occultée. Explorer cette histoire, c’est comprendre comment une tradition millénaire a été supplantée par la pétrochimie et comment, aujourd’hui, des initiatives émergent pour renouer avec une approche plus durable.

Les origines naturelles des chewing-gums 

Des traditions ancestrales à travers le monde

Bien avant l’invention des emballages en aluminium, mâcher de la gomme était une pratique répandue dans de nombreuses civilisations. Les traces les plus anciennes nous ramènent aux Mayas et aux Aztèques en Amérique Centrale. Ces peuples récoltaient le chicle, une sève laiteuse extraite du sapotillier, qu’ils faisaient sécher pour obtenir une gomme à mâcher. Cette substance n’était pas seulement une distraction, elle jouait un rôle social et rituel. D’autres cultures avaient des pratiques similaires : les Grecs anciens mâchaient de la résine de mastic, tirée de l’arbre du même nom, pour nettoyer leurs dents et rafraîchir leur haleine. En Amérique du Nord, les peuples autochtones utilisaient la sève d’épicéa pour ses propriétés antiseptiques.

Les bienfaits d’une gomme 100 % naturelle

Ces premières gommes à mâcher n’avaient rien de la friandise que nous connaissons. Elles étaient utilisées à des fins pratiques et thérapeutiques. Leurs fonctions étaient multiples et variaient selon les cultures, mais certaines propriétés étaient universellement reconnues. Les principaux usages étaient les suivants :

  • L’hygiène bucco-dentaire : La mastication stimulait la production de salive, aidant à nettoyer la bouche et à prévenir les caries.
  • L’apaisement de la faim et de la soif : En stimulant la salivation, la gomme aidait à tromper la sensation de faim et à garder la bouche humide lors de longues marches.
  • La concentration et la relaxation : Le simple fait de mâcher était considéré comme un moyen de calmer les nerfs et de maintenir l’attention.
  • Les propriétés médicinales : Certaines sèves, comme celle de l’épicéa, possédaient des vertus antiseptiques et étaient utilisées pour soigner de petites plaies buccales.

Ces pratiques ancestrales témoignent d’une relation directe et respectueuse avec la nature, où un produit brut était utilisé pour ses bénéfices intrinsèques, bien loin des formulations complexes actuelles. Cette gomme originelle était, par définition, entièrement biodégradable.

La sève d’arbre : ingrédient phare

Le chicle : l’or blanc de la jungle mésoaméricaine

L’ingrédient historique par excellence du chewing-gum est le chicle. Cette gomme naturelle est issue du Manilkara zapota, plus connu sous le nom de sapotillier. La récolte était un art maîtrisé par les « chicleros », des ouvriers spécialisés qui grimpaient aux arbres pour inciser l’écorce en zigzag, permettant à la sève de s’écouler lentement. Une fois collectée, cette substance était bouillie jusqu’à obtenir la consistance désirée. Le chicle possédait des qualités uniques : une élasticité parfaite pour la mastication et une neutralité de goût qui permettait de le consommer tel quel. C’est cette matière première qui a servi de base aux premières productions industrielles de chewing-gum à la fin du XIXe siècle, avant que sa popularité n’entraîne une demande que les forêts ne pouvaient plus satisfaire.

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D’autres résines et sèves à travers le globe

Si le chicle est le plus célèbre, il n’était pas le seul. D’autres arbres à travers le monde fournissaient des substances similaires. La résine de l’arbre à mastic, déjà mentionnée pour son usage en Grèce antique, est encore aujourd’hui produite sur l’île de Chios et appréciée pour sa saveur particulière. En Asie, la sève de l’arbre jelutong a également été utilisée comme base de gomme. Chacune de ces sèves avait ses propres caractéristiques, mais toutes partageaient un point commun fondamental : elles étaient des produits naturels, renouvelables et biodégradables, se décomposant simplement dans l’environnement après avoir été jetées.

L’exploitation de ces ressources naturelles, bien que durable à petite échelle, a rapidement montré ses limites face à l’industrialisation galopante et à l’explosion de la consommation, poussant les fabricants à chercher des alternatives moins coûteuses et plus abondantes.

L’évolution des méthodes de fabrication

L’ère de la pétrochimie

La seconde moitié du XXe siècle marque un tournant radical. Face à une demande mondiale croissante et à la difficulté de s’approvisionner en chicle, les industriels se sont tournés vers la chimie. La solution miracle est venue de la pétrochimie : le caoutchouc synthétique. Des polymères comme le polyisobutylène ou l’acétate de polyvinyle, les mêmes que ceux utilisés dans la fabrication de pneus ou de colles, sont devenus la nouvelle base de la gomme à mâcher. Cette substitution a permis une production de masse à faible coût, avec une texture et une élasticité standardisées, impossibles à obtenir avec des produits naturels dont la qualité pouvait varier.

Une composition radicalement transformée

Le chewing-gum moderne n’a plus grand-chose à voir avec son ancêtre. Sa base n’est plus une sève végétale, mais un mélange de polymères plastiques. À cette base sont ajoutés des édulcorants artificiels (aspartame, sorbitol), des arômes de synthèse, des colorants et des agents de texture pour créer le produit que nous connaissons. Cette transformation a permis de diversifier les goûts et les formes à l’infini, mais elle a aussi fait du chewing-gum un produit entièrement artificiel et, surtout, non biodégradable.

Caractéristique Chewing-gum traditionnel (au chicle) Chewing-gum moderne (synthétique)
Base de gomme Sève naturelle de sapotillier (chicle) Polymères synthétiques (caoutchouc butyle, acétate de polyvinyle)
Origine Végétale et renouvelable Pétrochimique (dérivée du pétrole)
Biodégradabilité Totalement biodégradable Non biodégradable
Texture Variable, plus ferme Standardisée, très élastique

Ce changement de paradigme dans la fabrication, motivé par des impératifs économiques, n’a pas été sans conséquences sur notre environnement.

L’impact écologique des chewing-gums modernes

Un micro-plastique collé à nos trottoirs

Le principal problème environnemental du chewing-gum moderne est sa persistance. En tant que produit plastique, il ne se décompose pas. Une fois jeté dans la nature ou sur un trottoir, il peut y rester pendant des années, durcissant et noircissant. Rien qu’à Londres, sur la célèbre Oxford Street, on estime à 30 000 le nombre de chewing-gums collés au sol chaque jour. Le nettoyage de ces déchets représente un coût exorbitant pour les municipalités, nécessitant des équipements spécifiques à haute pression et des solvants chimiques. Chaque petite tache noire sur nos pavés est en réalité un déchet plastique tenace.

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Une menace pour la faune

L’impact ne se limite pas aux paysages urbains. Lorsque les chewing-gums se retrouvent dans la nature, ils représentent un danger pour les animaux. Les oiseaux, en particulier, peuvent les confondre avec de la nourriture. L’ingestion de cette substance non digestible peut provoquer des étouffements ou des occlusions intestinales fatales. Le chewing-gum jeté nonchalamment devient alors un piège mortel pour la faune locale.

L’empreinte carbone d’une petite gomme

Au-delà du déchet final, la production même du chewing-gum synthétique a une empreinte écologique significative. Elle repose sur l’industrie pétrochimique, une filière fortement émettrice de gaz à effet de serre et dépendante des énergies fossiles. De l’extraction du pétrole à la synthèse des polymères, chaque étape du processus contribue au réchauffement climatique. Ainsi, la consommation de chewing-gums, notamment en France qui est le deuxième marché mondial, participe à une chaîne de pollution globale.

Face à ce constat alarmant, de nouvelles approches, tant au niveau des produits que de la gestion des déchets, commencent à voir le jour.

Les alternatives naturelles et écologiques

Le grand retour des gommes végétales

En réponse à la prise de conscience écologique, une nouvelle génération d’entrepreneurs a décidé de revenir aux sources. Plusieurs marques proposent aujourd’hui des chewing-gums dont la base est à nouveau constituée de chicle ou d’autres sèves naturelles. Ces produits sont 100 % végétaux et entièrement biodégradables. Ils se décomposent en quelques semaines ou mois, comme n’importe quel autre déchet organique. En plus d’être écologiques, ils soutiennent souvent des coopératives de « chicleros » et des pratiques de récolte durable qui contribuent à la préservation des forêts tropicales.

Des formulations plus saines et transparentes

Ces alternatives ne se contentent pas de changer la base de gomme. Elles repensent toute la recette pour la rendre plus saine et naturelle. Les édulcorants artificiels sont remplacés par du xylitol (souvent issu de l’écorce de bouleau) ou de la stévia, et les arômes proviennent d’huiles essentielles ou d’extraits de fruits. L’emballage est également revu, avec l’utilisation de carton recyclé et recyclable, abandonnant le plastique et l’aluminium. Cette approche holistique vise à offrir un produit respectueux à la fois du consommateur et de la planète.

Le développement de ces alternatives montre qu’il est possible de produire différemment, mais la gestion des milliards de chewing-gums synthétiques déjà en circulation reste un défi majeur qui appelle à des solutions innovantes.

Mâcher responsable pour notre planète

Le recyclage : transformer un déchet en ressource

Puisque le chewing-gum synthétique ne disparaît pas, pourquoi ne pas lui donner une seconde vie ? C’est le pari de plusieurs initiatives innovantes. L’une des plus médiatisées est celle de la designer britannique Anna Bullus, qui a mis au point un procédé pour recycler les chewing-gums usagés. Une fois collectés dans des poubelles spécifiques, les « Gumdrop Bins », les chewing-gums sont traités pour créer un nouveau polymère, le BGRP. Ce matériau recyclé peut ensuite être utilisé pour fabriquer divers objets, des semelles de chaussures aux coques de téléphone, et même les poubelles de collecte elles-mêmes, créant ainsi une boucle d’économie circulaire.

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Le pouvoir du consommateur

La solution la plus simple et la plus immédiate reste entre les mains de chaque consommateur. En France, où il est estimé que chaque habitant mâchera en moyenne cinq chewing-gums par semaine d’ici 2025, l’impact d’un simple geste est colossal. Le fait de jeter systématiquement son chewing-gum dans une poubelle, enveloppé dans son papier, empêche la pollution des sols et des eaux et réduit les coûts de nettoyage. Adopter ce réflexe est le premier pas vers une consommation plus responsable. Le choix de se tourner vers des alternatives naturelles est le second. En informant et en sensibilisant, il est possible de changer les habitudes et de faire pression sur les grands industriels pour qu’ils accélèrent leur transition écologique.

L’histoire du chewing-gum est une illustration parfaite de l’évolution de notre société de consommation, passée d’une ressource naturelle à un produit synthétique de masse. La prise de conscience de son impact environnemental nous oblige aujourd’hui à repenser sa composition et sa fin de vie. Entre le retour aux gommes végétales biodégradables et le développement de filières de recyclage ingénieuses, des solutions existent. Il appartient désormais aux consommateurs et aux industriels de faire les choix qui permettront de continuer à mâcher, mais sans laisser une trace indélébile sur la planète.

Émilie

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