Depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle législation impose aux ménages français le tri à la source de leurs biodéchets. Cette mesure, loin d’être une simple contrainte, représente une opportunité majeure de repenser notre rapport aux déchets et de valoriser une ressource précieuse. Le compostage, processus naturel de décomposition de la matière organique, se retrouve ainsi au cœur des préoccupations. Pourtant, entre les conseils avisés des uns et les craintes des autres, il est parfois difficile de s’y retrouver. Qu’est-ce qui peut réellement finir dans un composteur ? Comment s’assurer de produire un amendement de qualité pour son jardin ou ses plantes ? Cet article se propose de faire la lumière sur les véritables règles du compostage, en séparant le vrai du faux pour transformer efficacement ses déchets en or noir.
Les bases du compostage : comprendre les déchets verts et bruns
Pour réussir son compost, il ne suffit pas d’y jeter pêle-mêle tous ses restes de cuisine. Le secret réside dans un équilibre subtil entre deux grandes familles de matières organiques : les matières azotées, dites « vertes », et les matières carbonées, dites « brunes ». Comprendre leur rôle respectif est la première étape vers un compostage maîtrisé et sans désagrément.
Les matières vertes : le moteur du compost
Les matières vertes, ou azotées, sont les déchets humides et mous. Riches en azote, elles sont essentielles pour nourrir les micro-organismes qui décomposent la matière. Elles agissent comme un véritable activateur, lançant et accélérant le processus de fermentation. Sans elles, le compost mettrait un temps infini à se former. On y retrouve principalement :
- Les épluchures de fruits et de légumes
- Le marc de café et les filtres en papier
- Les sachets de thé (sans agrafe ni plastique)
- Les tontes de gazon fraîches
- Les fleurs fanées et les mauvaises herbes sans graines
- Les restes de repas d’origine végétale
Les matières brunes : la structure du compost
Les matières brunes, ou carbonées, sont les déchets secs et durs. Riches en carbone, elles jouent un rôle structurel fondamental. Elles permettent d’aérer le tas de compost, d’éviter qu’il ne se tasse et ne pourrisse par manque d’oxygène. Elles absorbent également l’excès d’humidité des matières vertes et préviennent l’apparition de mauvaises odeurs. Voici les plus courantes :
- Les feuilles mortes
- Les branchages et brindilles broyés
- Le carton brun et le papier non traité (déchirés en petits morceaux)
- La paille et le foin sec
- Les copeaux de bois et la sciure (en quantité limitée)
- Les coquilles d’œufs broyées
L’équilibre crucial entre le vert et le brun
La réussite du compostage repose sur le bon dosage de ces deux types de matériaux. Un excès de matières vertes rendra le compost trop humide, compact et malodorant. À l’inverse, un excès de matières brunes ralentira considérablement le processus de décomposition. La règle d’or est de viser un équilibre, souvent résumé par un ratio d’environ deux tiers de matières brunes pour un tiers de matières vertes. Chaque apport de déchets de cuisine (verts) doit donc être accompagné d’un apport de matières sèches (brunes).
| Type de matière | Rôle principal | Ratio recommandé |
|---|---|---|
| Matières vertes (azotées) | Active la décomposition, apporte l’humidité | Environ 30-40% du volume |
| Matières brunes (carbonées) | Aère la structure, absorbe l’excès d’humidité | Environ 60-70% du volume |
Maintenant que les ingrédients de base d’un bon compost sont identifiés, il est tout aussi crucial de connaître ceux qui doivent absolument en être écartés pour éviter les nuisances et garantir un résultat de qualité.
Ce qu’il ne faut jamais mettre dans un composteur
Si la liste des matières compostables est longue, celle des indésirables est tout aussi importante à mémoriser. Certains déchets peuvent en effet nuire au processus de décomposition, attirer des animaux indésirables, propager des maladies ou tout simplement polluer le produit final. Une vigilance s’impose pour préserver la santé de votre compost.
Les déchets d’origine animale et les produits laitiers
C’est sans doute la règle la plus connue et la plus importante. Il faut proscrire la viande, le poisson, les os et les produits laitiers (fromage, yaourts). En se décomposant, ces matières dégagent des odeurs pestilentielles qui ne manqueront pas d’attirer les rongeurs, les chats errants et autres nuisibles. De plus, ils peuvent être porteurs d’agents pathogènes qui risquent de ne pas être détruits par la chaleur du compost.
Les huiles, graisses et plats en sauce
Les matières grasses, qu’elles soient d’origine végétale ou animale, sont à éviter. Elles imperméabilisent les autres déchets, bloquant la circulation de l’air et de l’eau, ce qui ralentit considérablement la décomposition. Elles peuvent également devenir rances et générer de très mauvaises odeurs. Les restes de plats cuisinés très gras ou en sauce sont donc à exclure du composteur.
Les plantes malades et les mauvaises herbes en graines
Le compostage domestique n’atteint pas toujours des températures suffisamment élevées pour détruire tous les germes pathogènes ou les graines. Mettre des plantes atteintes de maladies (mildiou, oïdium, rouille) dans votre composteur, c’est prendre le risque de contaminer votre futur compost et, par conséquent, de propager ces maladies dans tout votre jardin. De la même manière, les mauvaises herbes montées en graines (comme le liseron ou le chiendent) ne feront que se ressemer joyeusement là où vous épandrez votre amendement.
Les matières non biodégradables et les produits chimiques
Cela peut sembler évident, mais il est bon de le rappeler. Le compost est un processus organique. Tout ce qui n’est pas biodégradable n’a pas sa place dans un composteur. On veillera donc à exclure :
- Le plastique, le verre et les métaux
- Les textiles synthétiques
- Les litières pour animaux (surtout non biodégradables)
- Les cendres de charbon de barbecue et les poussières d’aspirateur
- Le bois traité, peint ou verni, qui libérerait des produits chimiques toxiques
- Le papier glacé des magazines ou les cartons imprimés avec des encres de couleur
Une fois que l’on sait précisément quoi mettre et ne pas mettre, il convient de s’intéresser aux gestes et aux techniques qui transformeront ce simple tas de déchets en un terreau riche et fertile.
Méthodes pour un compostage réussi à domicile
Avoir les bons ingrédients est une chose, mais savoir les cuisiner en est une autre. Le compostage est un art qui requiert quelques gestes simples mais essentiels pour garantir une décomposition rapide et homogène. De l’emplacement du bac à la gestion de l’humidité, chaque détail compte pour obtenir un compost de qualité.
Le choix de l’emplacement du composteur
L’endroit où vous installez votre composteur n’est pas anodin. Idéalement, il doit être placé directement sur la terre pour permettre aux micro-organismes, aux vers et autres décomposeurs de remonter du sol et de coloniser le tas. Privilégiez un endroit semi-ombragé pour éviter que le compost ne se dessèche trop vite en été ou ne soit détrempé par les pluies en hiver. Assurez-vous également qu’il soit facilement accessible depuis la cuisine et le jardin, mais pas trop près de la maison ou du voisinage pour éviter tout désagrément olfactif en cas de déséquilibre.
L’aération : un facteur clé
Le compostage est un processus aérobie, ce qui signifie qu’il a besoin d’oxygène pour fonctionner. Sans air, les bactéries anaérobies prennent le dessus, entraînant une putréfaction lente et malodorante. Il est donc impératif d’aérer régulièrement votre compost. Une à deux fois par mois, utilisez une fourche ou un aérateur de compost pour retourner le tas, en ramenant les couches extérieures vers le centre et inversement. Ce brassage permet de décompacter la matière, de distribuer l’humidité et d’oxygéner l’ensemble du volume, ce qui accélère significativement le processus.
La gestion de l’humidité
L’humidité est le second pilier d’un compostage réussi. Le tas ne doit être ni trop sec, ni trop humide. Le test de la poignée est un bon indicateur : pressez une poignée de compost dans votre main. Si quelques gouttes perlent entre vos doigts, l’humidité est parfaite. Si l’eau coule en abondance, votre compost est trop mouillé : ajoutez des matières brunes (carton, feuilles mortes) et brassez. Si rien ne sort et que le compost s’effrite, il est trop sec : arrosez-le modérément avec un arrosoir et mélangez bien.
Ces pratiques, bien que simples, sont souvent entourées d’idées reçues qui peuvent décourager les plus motivés. Il est temps de démystifier certaines croyances tenaces.
Dépasser les idées reçues sur le compostage
Le compostage souffre encore de nombreux préjugés. Odeurs nauséabondes, invasion de nuisibles, complexité de la mise en œuvre… Ces craintes, bien que parfois fondées sur de mauvaises expériences, sont le plus souvent le résultat d’une méconnaissance des bonnes pratiques. Démêlons le vrai du faux pour aborder le compostage avec sérénité.
Idée reçue n°1 : « Un composteur sent mauvais »
C’est sans doute la crainte la plus répandue. Or, un compost bien géré ne sent pas mauvais. Au contraire, il doit dégager une agréable odeur de sous-bois et d’humus. Si des odeurs pestilentielles apparaissent, c’est le signe d’un dysfonctionnement. Le plus souvent, il s’agit d’un manque d’aération ou d’un excès de matières vertes (azotées) par rapport aux matières brunes. Le tas se compacte, l’oxygène ne circule plus et la matière entre en putréfaction. La solution est simple : ajoutez des matières sèches (broyat, carton) et aérez le tout en le brassant énergiquement.
Idée reçue n°2 : « Le compostage attire les nuisibles »
La présence de rongeurs ou d’insectes en masse n’est pas une fatalité. Elle est presque toujours liée à l’introduction de déchets inappropriés dans le composteur, comme la viande, le poisson ou les produits laitiers. En respectant scrupuleusement la liste des interdits, vous limitez drastiquement les risques. De plus, un brassage régulier perturbe l’installation d’éventuels nids. Pour les moucherons, souvent présents en été, il suffit de recouvrir chaque nouvel apport de déchets de cuisine d’une fine couche de matière sèche (feuilles, paille) pour créer une barrière efficace.
Idée reçue n°3 : « C’est compliqué et ça prend du temps »
Le compostage peut sembler technique au premier abord, mais il s’agit avant tout d’adopter de nouvelles habitudes. Une fois les principes de base (équilibre vert/brun, aération, humidité) assimilés, la gestion d’un composteur ne demande que quelques minutes par semaine. Le geste de vider son bioseau de cuisine dans le composteur et de le recouvrir de matière sèche devient vite un réflexe. Quant au brassage, il ne nécessite qu’un quart d’heure toutes les deux ou trois semaines. C’est un faible investissement en temps au regard des bénéfices pour votre jardin et pour la planète.
Loin d’être une pratique unique et rigide, le compostage se décline en plusieurs méthodes pour s’ajuster aux contraintes de chacun, que l’on vive en maison avec un grand jardin ou en appartement.
Les diverses techniques de compostage adaptées à votre espace
Il n’existe pas une seule et unique façon de composter. La méthode idéale dépend de plusieurs facteurs : la taille de votre logement, la présence ou non d’un jardin et la quantité de déchets que vous produisez. Du simple tas au lombricomposteur d’appartement, il y a forcément une solution qui vous correspond.
Le compostage en tas pour les grands jardins
C’est la méthode la plus simple et la plus ancienne. Elle consiste à entasser directement sur le sol les déchets verts et bruns, sans contenant. Elle est idéale pour ceux qui disposent d’un grand espace et produisent une quantité importante de déchets de jardin (tontes, feuilles, tailles). L’avantage est de pouvoir manipuler de grands volumes facilement. L’inconvénient est son aspect moins esthétique et une décomposition parfois plus lente sur les bords du tas. Il est souvent recommandé d’avoir deux tas : un en cours de remplissage et un autre en maturation.
Le composteur en bac pour les jardins de taille moyenne
C’est la solution la plus courante pour les particuliers. Le composteur, généralement en bois ou en plastique recyclé, permet de contenir la matière, de la protéger des intempéries et de conserver plus facilement la chaleur nécessaire à la décomposition. Il est plus esthétique et prend moins de place qu’un tas. Il existe de nombreux modèles, de 300 à plus de 1000 litres, pour s’adapter à la taille du foyer et du jardin. Le choix d’un modèle avec une trappe en bas est judicieux pour pouvoir récupérer le compost mûr sans avoir à vider tout le bac.
Le lombricompostage pour les appartements et balcons
Que faire quand on n’a pas de jardin ? Le lombricompostage est la réponse. Cette technique utilise des vers de compost (principalement l’espèce Eisenia fetida) pour décomposer les déchets de cuisine dans un récipient appelé lombricomposteur. Ce dernier est compact, sans odeur et peut être installé dans une cuisine, une cave ou sur un balcon. Il est composé de plusieurs plateaux superposés. Les vers consomment les déchets et produisent un compost très riche, le lombricompost, ainsi qu’un engrais liquide, le « lombrithé ». C’est la solution parfaite pour valoriser ses épluchures en milieu urbain.
Le compostage de surface ou « mulching »
Le compostage de surface, aussi appelé paillage ou « mulching », consiste à déposer une fine couche de matières organiques directement au pied des cultures ou sur les parcelles nues du potager. Les tontes de gazon séchées, les feuilles mortes ou les résidus de légumes se décomposent lentement sur place, nourrissant le sol, le protégeant de l’érosion et du dessèchement, et limitant la pousse des herbes indésirables. C’est une méthode simple qui imite les processus naturels de la forêt.
Une fois la méthode choisie et le processus mené à son terme, vient le moment gratifiant de récolter et d’utiliser ce précieux amendement.
Comment utiliser votre compost efficacement
Après plusieurs mois de patience et de bons soins, votre tas de déchets s’est transformé en un terreau sombre et riche. C’est le moment de la récolte. Savoir reconnaître un compost mûr et l’utiliser à bon escient est la dernière étape pour boucler la boucle vertueuse du recyclage organique. Cet « or noir » est un allié de poids pour la santé de votre sol et de vos plantes.
Reconnaître un compost mûr
Un compost est prêt à être utilisé lorsqu’il a atteint sa maturité. Plusieurs signes ne trompent pas. Il doit avoir une couleur brun foncé, presque noire. Sa structure doit être fine, friable et homogène, sans que l’on puisse reconnaître les déchets d’origine (à l’exception de quelques morceaux de bois plus durs). Enfin, et c’est le critère le plus important, il doit dégager une odeur agréable de terre de forêt ou d’humus. S’il sent encore l’ammoniac ou la pourriture, c’est qu’il a besoin de mûrir encore un peu.
Utilisation au potager et pour les plantations
Le compost est un excellent amendement pour enrichir le sol du potager. Au printemps, avant les semis et plantations, incorporez quelques centimètres de compost mûr aux couches superficielles du sol à l’aide d’une griffe ou d’une grelinette. Il améliorera la structure du sol, sa capacité de rétention en eau et fournira aux jeunes plants les nutriments nécessaires à un bon démarrage. Lors de la plantation d’arbres, d’arbustes ou de plantes en pot, mélangez environ un tiers de compost à deux tiers de terre de jardin pour créer un substrat riche et fertile.
Le compost comme paillage ou en surfaçage
Il n’est pas toujours nécessaire d’enfouir le compost. Utilisé en paillage, il offre de multiples avantages. Étalez une couche de 2 à 3 centimètres de compost demi-mûr au pied de vos plantes (légumes, fleurs, haies). Cette couche va nourrir le sol en continu, le protéger du dessèchement en limitant l’évaporation, et freiner le développement des mauvaises herbes. C’est une technique particulièrement bénéfique pour les cultures gourmandes comme les tomates, les courges ou les rosiers.
Le « thé de compost » : un engrais liquide maison
Pour un coup de fouet rapide, vous pouvez fabriquer un engrais liquide. Placez une pelletée de compost mûr dans un sac en toile (type toile de jute) et laissez-le infuser pendant 24 à 48 heures dans un grand arrosoir rempli d’eau de pluie. Ce « thé de compost » est un concentré de nutriments et de micro-organismes bénéfiques. Dilué (1 volume de thé pour 10 volumes d’eau), il s’utilise en arrosage au pied des plantes ou en pulvérisation foliaire pour renforcer leur résistance aux maladies.
Le compostage est une pratique écologique et économique accessible à tous. En maîtrisant les apports, en veillant à l’équilibre et à l’aération, il est simple de transformer ses déchets en une ressource précieuse pour le jardin ou les plantes d’intérieur. Bien loin des idées reçues, c’est un geste concret qui réduit le volume de nos poubelles tout en favorisant la vitalité de la terre. Qu’il soit réalisé en tas, en bac ou en lombricomposteur, le compostage s’adapte à tous les modes de vie et constitue une réponse directe et efficace à l’obligation de tri des biodéchets.



